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Club Ecologie et Liberté

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Historique de l'écologie politique

La stratégie du " ni, ni "

En ce qui concerne la stratégie, la montée du "ni, ni" (c'est-à-dire de la notion d'indépendance vis-à-vis des clans qui mènent la même politique) fut, dans un premier temps, la réaction rapide aux pressions que les écologistes politiques subissaient de la part des grands partis . Elle était, en un sens, " réactivement " commune à notre courant défenseur d'une écologie de liberté et au courant Waechterien (écologie à base scientifique). Mais, on s'aperçut qu'en fait, elle pouvait déboucher sur deux concepts très différents. Le "ni, ni" originel est basé sur l'affirmation que, par rapport aux positions qui sont celles de la Droite et de la Gauche, il y aurait systématiquement des positions qui seraient celles des écologistes, qui n'appartiendraient qu'à eux et qui ne seraient défendues que par eux : l'écologie politique apparaîtrait ainsi comme un troisième clan fermé, opposé aux deux premiers.

Dans notre courant Ecologie et Liberté, basé sur la volonté de rester dans une synthèse anti-économiciste (donc contre la synthèse de la Pensée Unique), une synthèse de ce qui pourrait être le meilleur de la tradition de droite, le meilleur de la tradition de gauche et le meilleur de la tradition écologiste (la défense des aspects qualitatifs et le respect de la vie),on refuse le critère d'appartenance à un clan de droite ou de gauche, pour choisir les projets, les éléments de programme ou les alliances.
Mais, conformément à une certaine démarche associative qui consiste à vouloir rassembler le plus largement possible sur ce qui semble important, qui consiste donc à vouloir travailler, s'associer avec tous ceux qui se déclarent d'accord sur cet essentiel, cette stratégie, basée sur la volonté de faire avancer tout de suite nos positions, aboutit dans les faits à s'allier tantôt avec des groupes ou des individus de Droite, tantôt avec des groupes ou des individus de Gauche, dans la mesure où ils acceptent notre démarche, et où ils sont respectueux des autres. C'est la stratégie du " et, et ". Ce qui est la différence avec la démarche associative, c'est que ce "et, et" va être appliqué en fonction des niveaux de décision et de compétence et en fonction d'une analyse relativement précise des phénomènes moteurs et non moteurs dans les différents niveaux où se prennent les décisions. Ainsi, on maintient le principe selon lequel, on veut faire avancer tout ce qui est possible avec tous ceux qui sont d'accord à condition que cela se fasse sur la base d'un accord sur l'orientation fondamentale, dans le niveau de compétence considéré. Ainsi, une alliance permanente avec d'autres organisations politiques ne peut se faire au niveau national que si ces organisations politiques partagent avec nous l'objectif d'inverser les trois ou quatre grandes évolutions motrices qui déterminent au niveau national les autres aspects de la vie quotidienne : les processus de mondialisation, de concentration spatiale, de montée du niveau de décision, de mobilité obligatoire.

Le mythe de l'unité des écologistes

Il est fondé sur l'idée selon laquelle les positions d'un mouvement politique, les positions d'une organisation politique pourraient et devraient être déduites purement et simplement des évidences universelles, objectives que nous enseigne l'Ecologie.
Cela, à la fois fait peur, et témoigne d'une ignorance, d'une absence grave de culture politique. Cela fait peur, car on assiste à la confusion entre les différentes sources d'autorité : la morale, la science devraient être exprimées à travers le pouvoir civil ! Il s'agit-là, bien que ce ne soit pas l'objectif, de tendances totalitaires.
Qui pourrait aller contre les exigences de la valeur suprême qui est la vie ? Qui pourrait aller contre ceux qui ont le pouvoir parce qu'ils sont reconnus comme les plus compétents pour défendre notre planète et la vie de tous ? Il est significatif que les tenants du courant d'Ecologie Politique à base scientifique (courant Waechter) aient mis en avant le slogan " la société sera écologique ou ne sera pas ".
Par ailleurs, un de leurs objectifs était non pas d'écouter les citoyens, mais de les " éduquer ". Le lien entre le catastrophisme et les dangers du totalitarisme est très fort. Toutes les sectes jouent sur ce ressort. Le mythe de l'unité des écologistes et le catastrophisme dont il se réclame est donc, contrairement aux apparences, une réaction de secte, une réaction potentiellement totalitaire à laquelle il faut faire attention.

Il est aussi symptomatique de voir l'absence, dans leur problématique, des conflits de valeurs. L'écologie nous montre les conditions de la reproduction d'êtres vivants sans cesse en conflits. Ces conflits des êtres vivants n'impliquent jamais, ni que l'un de ces êtres vivants soit mauvais, ni que l'une des espèces en conflit soit mauvaise et doive de ce fait être supprimée. L'écologie nous rappelle donc que le conflit de ces valeurs que sont les êtres vivants ne peut que rarement être interprété comme un conflit entre ce qui est bon et ce qui est mauvais. Elle tend donc, à nous faire sortir de la mentalité simpliste que nous appelons dramatique ou manichéenne, et qui consiste à chercher, dès qu'il y a conflit entre deux choses, laquelle est bonne et laquelle est la mauvaise ; laquelle doit gagner sur l'autre et laquelle doit être éliminée . Et pourtant, il est curieux de constater la persistance de cette mentalité chez ceux qui se réclament de l'écologie scientifique.

Pour voir à l'œuvre toutes ces tendances, partons de quelques dates :

Printemps 74 - Candidature de René DUMONT qui a le mérite de faire apparaître pour la première fois sur la scène politique des préoccupations écologiques. Au cours de cette campagne des comités de soutien se sont formés qui vont avoir le désir de continuer la lutte. Comment se structurer pour créer une Ecologie Politique Indépendante ?

Juin 74 - Première tentative, au grand rassemblement de Montargis. Très vite on s'aperçoit que cette nouvelle mouvance qui cherche à se définir n'y arrive pas du fait de son hétérogénéité. Elle comprend en effet, des associatifs, des anarchistes, des gens de l'hebdomadaire post soixante-huitard "La Gueule Ouverte" qui chacun, pour des raisons différentes, vont faire barrage à toute réflexion politique proposée par ceux qui croient en la nécessité d'une Ecologie Politique Autonome. Rien ne sort de ce premier rendez-vous.

Octobre 74 - Enfin un groupe de militants réussit à s'entendre à Issy-les-Moulineaux, pour former le Mouvement Ecologique. Se retrouvent là, parmi d'autres représentants des comités de soutien à René Dumont, des gens comme Antoine Waechter ( côté écologie politique à base scientifique) et les Alsaciens, Brice Lalonde et les Amis de la Terre, (réseau de facto d'associations), le Languedocien François Degans, fervent adepte de l'autonomie politique, etc...L'unité factice ne va pas durer longtemps.

En 1975 - Aux Assises de Lille, le Mouvement Ecologique remporte un premier succès puisqu'un texte donnant les fondements d'une écologie politique est adopté et qui jette les bases d'une analyse nouvelle des réalités économiques et sociales mettant en évidence un concept nouveau: le Productivisme. Mais déjà Brice Lalonde et les Amis de la Terre tentent de faire barrage, ils échouent et quittent le mouvement.

En 1977 - Création du Réseau des Amis de la Terre (RAT) autour de Brice Lalonde. Le Mouvement Ecologique se lance dans la bataille des municipales et remporte des succès électoraux non négligeables pour une aussi jeune formation. En octobre, ces premiers succès donnent au ME envie de continuer aux législatives. Pour se donner plus de poids, il recherche des alliances plus larges, et c'est là que les rivalités réapparaissent. Une structure provisoire est créée, elle s'appelle Ecologie 78, mais, elle disparaîtra en Mars 78. Une autre apparaît peu après: la Confédération Interrégionale des Mouvements Ecologiques, la CIME, lancée par les Alsaciens. C'est la période des institutions dites "biodégradables" !

En 1979 - Même scénario pour les élections européennes. Une structure parallèle est créée, Europe Ecologie. Mais les tensions sont telles, le discours tellement sirupeux, règne du n'importe quoi et des vœux pieux, que les candidats du ME se retirent au dernier moment.

L'émergence historique de l'Ecologie Politique et Indépendante : la création du MEP

Mais, petit à petit, montait la conscience que les erreurs radicales des mouvements politiques traditionnels exigeaient de créer une organisation politique capable d'affirmer les nouvelles orientations, capable à terme, de rivaliser opérationnellement avec les vieux partis. Cela ne pouvait se faire évidemment sans heurter de front tous ceux qui continuaient à se méfier de toute organisation politique structurée. Cela se manifestait particulièrement dans les articles de "La Gueule Ouverte" et chez un nombre important de groupes d'Amis de la Terre et enfin chez ceux qu'on appela d'un mot particulièrement significatif "les inorganisés". Malgré ce, cette volonté de faire apparaître un véritable mouvement d'Ecologie Politique se révéla à travers des décisions du Mouvement Ecologique qui décida d'abord de réformer ses structures en ce sens. Conscients que cette réorganisation interne ne pouvait pas suffire, les dirigeants du ME , avec François Degans, lancèrent peut-être avec une certaine ironie, un appel, le 18 Juin 1979. On y trouvait les éléments essentiels du futur mouvement d'Ecologie Politique : la base théorique, en rupture avec celle des mouvements existants, un type d'organisation suffisamment structuré donc capable de rivaliser avec les autres partis. Après une conférence de presse qui attira de nombreux journalistes, cet appel fut entendu largement par un certain nombre de militants.

Parallèlement, cela conduisit les dirigeants du Mouvement Ecologique, pendant l'été, à préparer minutieusement la création d'un nouveau mouvement sur ces bases, nouveau mouvement destiné à prendre une succession permanente de tout ce qui était apparu jusqu'alors: Mouvement Ecologique, Ecologie 78, CIM, Europe Ecologie. Mais, avait été parallèlement lancée une initiative relevant plutôt de la mythique idéologie de l'unité des écologistes et de cette culture anti-organisationnelle . Il s'agissait en fait d'en revenir à ce qui avait déjà échoué, les Assises de Montargis de Juin 1974. Toute la gamme des écologistes ayant une quelconque intervention dans le champ politique y était invitée. Ce furent les Assises de Dijon en Octobre 1979.
Inutile de dire à quel point dans un tel climat et un tel milieu, le projet de créer un mouvement d'écologie politique sur des bases théoriques autonomes et avec une organisation politique fortement structurée fut mal reçu. C'est pourtant au cours de cette réunion des Assises de Dijon que fut annoncée, en dépit de l'hostilité ambiante, la création du Mouvement d'Ecologie Politique. Il avait l'avantage de réunir enfin les deux courants qui croyaient en la nécessité d'un Ecologie Politique Autonome et de laisser de côté une grande partie de ceux qui n'y croyaient pas.

On peut dire que l'histoire de ce mouvement fut assez rapidement l'histoire des conflits pouvant exister entre les deux courants qui le composaient. Mais, que par ailleurs, sur le plan organisationnel, il imposa, par sa présence, l'évidence de la nécessité du type d'organisation qu'il mit en place. Toutes les solutions au nécessaire compromis entre une forte démocratie de base et une grande clarté et lisibilité pour l'extérieur furent posées dans ce cadre. L'organisation même des Verts actuels n'en est qu'un certain prolongement. Malgré ce, il fut de plus en plus évident que la cohabitation entre des gens qui croyaient en la démocratie et en un minimum de courtoisie et d'autres qui, au nom de leur pureté, de leur conception absolue de l'Ecologie faisaient, en fait, réapparaître l'ancienneté de leur pratique acquise dans des groupes staliniens, n'était pas possible. Pot de fer contre pot de terre, les démocrates pots de terre cédèrent le terrain. La cohabitation entre une écologie de liberté et démocratique et une écologie moraliste et à base scientifique n'avait eu qu'un temps. Fin Avril 1982, Catherine Bonnel, présidente du MEP, démissionna devant les offensives répétées d'un clan, mélangeant en un groupe pas toujours cohérent, Antoine Waechter, des associatifs pseudo apolitiques et toute une camarilla d'anciens membres du PCF. A sa suite, petit à petit, tous les défenseurs d'une conception d'écologie de liberté, d'une écologie culturelle, non moralisatrice, de la diversité, démissionnèrent eux aussi. Leur tendance devint minoritaire. Quelques mois plus tard, en Octobre 1982, le clan Waechter, Brière, Fisher, écologie dure et moralisatrice, prenait le pouvoir sous le slogan significatif : "la société sera écologique ou ne sera pas". Cela avait au moins un avantage, celui d'amener à une certaine clarification, de montrer les incompatibilités entre deux conceptions opposées de l'Ecologie Politique. Malheureusement peut être, cette séparation ne dura pas. Le besoin d'une unité factice reprit le dessus et, en fait, aboutit à faire perdre au moins une dizaine d'années, si ce n'est une vingtaine, à la réapparition d'un projet clair d'Ecologie Politique Autonome.

Cependant, cette rupture avait eu, pendant au moins un an et demi, jusqu'en 1984 où la réunification eut lieu, l'intérêt de supprimer les faux clivages et au contraire de faire apparaître que les deux grands groupes qui étaient face à face au MEP, représentaient réellement deux visions différentes de l'avenir de la société et de l'écologie politique.

La politisation et la structuration des divers mouvements au début des années 80

Parmi les nombreux groupes écologistes qui s'étaient développés, un peu partout en France, depuis une dizaine d'années et, en particulier, parmi un certain nombre de groupes de base des Amis de la Terre, était apparue petit à petit, une pensée analogue à celle qui s'était développée au sein de notre courant du Mouvement d'Ecologie Politique. La politisation et le développement de la structure politique progressive de ces groupes s'était faite à travers la constitution de groupes régionaux comme la Fédération des Ecologistes du Midi, puis par la naissance de la Confédération Ecologiste. Un temps, les a priori anti-organisationnels, légèrement libertaires de ces groupes l'emportèrent et ils avaient tendance à se considérer comme étant en rivalité directe avec les représentants du MEP. Cependant des contraintes liées à la nécessité de se restaurer et de trouver de locaux amenèrent les membres du bureau de la Confédération à venir manger et à se réunir dans les locaux d'un des groupes principaux d'Ecologie Politique, le groupe de Montpellier. La rivalité se transforma vite en camaraderie. Il n'est pas étonnant alors, qu'à une de ses premières réunions nationales, la Confédération invita pendant l'été 1982, certains membres du MEP de notre courant à venir participer à leur choix d'un manifeste d'Ecologie Politique à Uzerche. Ce premier pas fut rapidement dépassé par la reconnaissance explicite d'un accord théorique entre nos organisations, puisque le projet de manifeste rédigé par François Degans, inspirateur de notre courant fut adopté comme manifeste par l'assemblée de la Confédération.

Dès lors, il ne fut pas étonnant qu'un processus d'unification, autour de cette conception de l'Ecologie ait lieu. C'est ainsi que se constitua avec d'anciens groupes des Amis de la Terre, avec les membres de la Confédération Ecologique, avec le premier courant d'Ecologie Politique, le premier groupe intitulé les Verts-Confédération Ecologique appelé parfois, à cause du lieu où s'opéra la fusion, Les Verts-Besançon, en Mars 83.
Dans l'été de la même année, les journées de réflexion du nouveau mouvement manifestèrent la profonde unité qui enfin existait entre ses membres. C'était trop beau ! Les élections européennes apparaissant à l'horizon, la peur de ne pouvoir faire face financièrement et le retour du mythe de l'unité pousseront à rechercher de nouveau l'unité avec les autres organisations.

Du côté de ce qui avait été le MEP, une mutation avait eu lieu. Celui-ci s'était transformé en Parti Ecologique, puis, rapidement avait, lui aussi, récupéré le sigle Les Verts, était devenu Les Verts-Parti Ecologique et était donc devenu le rival des Verts-Besançon. Ainsi, pendant quelque temps, les deux conceptions opposées de l'Ecologie Politique que nous avons présentées au début se sont incarnées dans deux mouvements différents, intitulés tous les deux, Les Verts.

Parallèlement à cette évolution du MEP, où en étaient les autres courants ?
Depuis 1979, deux autres pôles pouvaient être distingués qui devinrent bientôt trois : les " inorganisés " et les Amis de la Terre. Au cours des Assises de Dijon, où s'était créé le MEP, comme nous l'avons déjà dit, le rôle de certains ténors, comme Isabelle Cabut, avait conduit à ce qu'apparaisse un groupe dont nous avons parlé plus haut et qui s'était baptisé de lui-même les "inorganisés". Ce pôle se transforma très vite ; il se transforma d'autant plus vite qu'il existait un peu par opposition au MEP. Dans cette opposition, on pouvait déceler deux origines :
- celle des post soixante-huitards qui ne supportaient pas vraiment l'idée d'un mouvement d'Ecologie Politique, avec une réflexion, une ligne politique et une structure organisationnelle suffisante.
- l'opposition de ceux qui en avaient plutôt contre la tendance dure du MEP et l'image que cela pouvait donner d'une écologie politique structurée. Ils réagirent bientôt, en s'organisant eux-mêmes. Leur implantation dominait plutôt dans l'ouest de la France et certains provenaient du groupe des Amis de la Terre. Cela aboutit à la formation par exemple de la Fédération des Ecologistes du Midi, puis apparut la Confédération Ecologiste.

L'autre grand pôle était le Réseau des Amis de la Terre (RAT) dominé par la personne de Brice Lalonde. Celui-ci, malgré son caractère essentiellement fluctuant, désireux de réussir, avait eu au moins le mérite grâce au fait qu'il habitait Paris, de réunir de nombreuses personnalités de talent. Certains étaient déjà connus et jouaient le rôle de maîtres à penser, comme Touraine, Serge Moscovici, esprit plus original ; d'autres comme Karsenty, Bidou, Radanne etc... peuplèrent plus tard les cabinets ministériels.
Il est impossible d'attribuer une pensée politique au RAT. La pensée politique qui y régnait, était en effet un mélange incessant des exigences politiciennes de Brice Lalonde et du conglomérat des influences des intellectuels cités plus haut qui avaient déjà profondément influencé les Amis de la Terre de Paris. Le rôle des Parisiens, à l'opposé des autres réseaux écologistes y était déterminant. Et de ce fait, les chroniqueurs, les historiens leur donnèrent parfois une place disproportionnée par rapport à ce qu'ils étaient vraiment.

La réalisation du " rêve " : l'unité des écologistes en Janvier 1984

Cette fusion fut marquée par la volonté de faire coexister les deux conceptions de l'écologie qui s'étaient concrétisées dans les Verts-Parti et dans les Verts-Confédération. Pendant un an, tous les représentants des instances décisionnelles de la nouvelle organisation furent tout simplement doublés : l'un provenant des Verts-Parti, l'autre des Verts-Confédération. Cette fusion, basée donc sur une volonté simple d'addition, sans un véritable effort d'explication et de débat, handicapera pour longtemps la nouvelle organisation.

Un certain nombre de débats, particulièrement délicats, parce que les positions étaient trop ouvertement antagoniques furent gelés. La fusion eut, au moins, le mérite de permettre aux écologistes d'être présents aux élections européennes de 1984. Or, ce sursaut de dernier moment, ne leur permit quand même pas d'obtenir des élus.

Deux ans après, en 1986, les Verts n'étaient pas vraiment sortis de leur création au forceps, on ne peut pas dire non plus que les élections régionales, auxquelles ils se présentèrent presque partout furent un grand succès non plus.

Au niveau interne, le fonctionnement, les débats inhérents à un mouvement démocratique commençaient à apparaître et, au moment de l'AG annuelle, des motions commençaient à cristalliser ces débats et à organiser les courants.

1985-1986. Le clivage antérieur entre les Verts-Parti et les Verts-Confédération a pu sembler réapparaître, puisque parmi les motions, on pouvait en observer une, signée par Yves Cochet et François Degans, qui avaient fait partie des Verts-Parti, et de l'autre, une motion signée par Antoine Waechter, entre autres, qui était un des leaders de l'ancien Verts-Parti.

Mais, dès 1986, Yves Cochet brisa cet ancien clivage et contribua par une position nouvelle à faire réapparaître au sein des Verts, le clivage existant entre ceux qui ne croyaient pas à l'Ecologie Politique parce qu'ils voulaient simplement " écologiser " la Gauche, et ceux qui croyaient à la nécessité d'une Ecologie Politique autonome et indépendante.
Indirectement, cela amena aussi à ce que l'on puisse croire à un clivage Droite- Gauche au sein des écologistes. Peut-être était-ce, d'ailleurs, un des buts de la manœuvre. Cet événement va, en fait marquer la suite de l'histoire des Verts jusqu'à maintenant. Elle aboutit à donner dans le débat interne aux Verts, la priorité absolue au débat sur la stratégie par rapport au débat sur la conception de la société. Ainsi, l'alliance entre notre courant, que nous appellerons " Ecologie de Liberté " et le courant Waechter, était un accord essentiellement basé sur la stratégie, alors que demeuraient des divergences importantes sur la conception de la société. Il faudra attendre l'éclatement des Verts, entre 1993 et 1994, pour que ces divergences soient remises au premier plan.

Très souvent, dans de nombreux ouvrages sur le sujet, on suggère qu'au sein des Verts qui viennent de se créer, la période 84-86 aurait été marquée par la tendance favorable à une ouverture, qu'une stratégie de gauche aurait été dominante. Et l'on présente la motion de Waechter " L'écologie n'est pas à marier " comme une rupture par rapport à cette période de 84-86. Or, il y a une confusion entre le fait d'être prêt à travailler avec tous les groupes qui en sont d'accord, sans avoir d'à priori politique (démarche qui sera la nôtre sous la forme du " et, et " ou du " tantôt, tantôt " opposée à celle du " ni, ni "), quand cette ouverture est sur la base de la stratégie d'indépendance anti-productiviste et non pas anti-capitaliste, et, d'autre part le fait de s'ouvrir en abandonnant cette stratégie.
Notre interprétation est différente : si pendant deux ans, le groupe dominant chez les Verts (Cochet, Brière, Marimot..) a pu être majoritaire, c'est parce qu'il pratiquait sans cesse cette confusion, et qu'il ne disait jamais clairement qu'il abandonnait notre indépendance vis-à-vis des clans. L'ouverture était présentée implicitement comme étant l'ouverture sur la base de nos analyses. On peut penser que chez certains, c'était déjà une forme d'hypocrisie, chez d'autres, de l'inconscience. Mais, l'expérience du Languedoc-Roussillon montre bien l'ambiguïté de cette période, puisque ceux qui actuellement animent notre courant d'indépendance ont été les premiers à pratiquer une politique d'ouverture au moment des élections régionales de 1986, ont participé à des rassemblements qui pouvaient intégrer des membres de l'extrême gauche (maoïstes), mais à condition que le langage, l'analyse, les thèmes soient strictement ceux de l'Ecologie Politique Indépendante. Avec tout le monde, mais sur nos propres bases !

Mais, provisoirement, cette alliance permit à Antoine Waechter de s'imposer comme candidat des Verts aux élections présidentielles. A cette occasion, il fut conduit à faire un certain nombre de concessions pour présenter un programme plus respectueux des tendances au sein des Verts. Le score non négligeable qu'il obtint aux élections présidentielles de 1988, apparaît comme la première percée notable de l'Ecologie Politique sur le plan national. La domination de l'alliance entre les deux défenseurs de l'Ecologie Politique atteignit son apogée et sa limite aux journées d'été et à l'Assemblée Générale de Marseille (Octobre 1989). Elle s'y manifesta, entre autres choses, par le vote aux deux tiers, d'une motion sur le refus de désistement au deuxième tour dans tous les cas de figure.

Pourtant, parallèlement, les évènements modifiaient progressivement la donne. Après les désillusions des adhérents des groupes d'extrême gauche, la succession rapide de nouveaux groupuscules, après l'échec opéré par les appareils de ces groupuscules pour créer " Arc en Ciel ", un vaste regroupement de cette extrême gauche, la conclusion montait un peu partout parmi eux, il faut se reconvertir dans un mouvement nouveau et qui colle aux aspirations des masses, l'Ecologie !

A cette évolution de l'Extrême Gauche, le pouvoir de Gauche, lui aussi, commençait à prendre conscience du danger de la montée d'une force qui lui échappait. Convergence spontanée ou complot ? Il serait bien difficile de conclure avec certitude. Il n'en reste pas moins qu'en l'espace de deux ans, le climat interne chez les Verts changea rapidement. Malgré l'opposition apparente, les nouveaux venus, issus de l'Extrême Gauche, et ceux, plus discrets qui se réclamaient de la Gauche, la pression n'en était pas moins très forte. Peut-être par goût de la négociation, Antoine Waechter commença-t-il à céder, et l'on vit avec stupeur, les candidats proposés pour les élections européennes, avec l'accord des waechtériens, être majoritairement issus de ce qui avait été jusqu'alors la minorité. Or, grâce au développement de la stratégie d'indépendance, l'écologie politique était en train d'atteindre une certaine crédibilité dans l'opinion, et le paradoxe fut que, c'est cette crédibilité acquise par une certaine ligne stratégique qui permit aux tenants de l'autre ligne stratégique de venir pondre ses œufs dans ce panier. Le succès de la liste aux Européennes de 1989, obtenu grâce à la stratégie jusqu'alors majoritaire, allait être, en même temps le début des victoires de la ligne minoritaire, de ceux qui ne croyaient pas à l'Ecologie Politique Indépendante ; il allait être inévitablement le point de départ de la conquête par cette minorité, de l'appareil du parti, grâce aux moyens financiers et logistiques que notre présence au Parlement Européen allait leur permettre.
Donc, l'année 1989 a marqué le point de renversement. Mais, en ce qui concerne l'évolution du débat interne des Verts, il faut noter que cette année 1989 fut aussi l'année de la réapparition plus claire, c'est-à-dire de façon autonome, du courant " Ecologie de Liberté ", à travers une motion débattue aux journées d'été de Sofia Antipolis, et dont les éléments furent discutés et votés à l'assemblée générale de Marseille, motion intitulée " Fil Vert ", nom qui allait devenir institutionnellement le nom de notre courant pendant les années 89-90-91. Faut-il noter, pour la petite histoire, que cette année 1989, Alain Lipietz, économiste de renom (qui fut plus tard l'inspirateur et le plus grand soutien de Dominique Voynet) entra chez les Verts en signant cette motion " Fil Vert " de François Degans.