La
stratégie du " ni, ni "
En
ce qui concerne la stratégie, la montée du "ni, ni" (c'est-à-dire
de la notion d'indépendance vis-à-vis des clans qui mènent la même
politique) fut, dans un premier temps, la réaction rapide aux pressions
que les écologistes politiques subissaient de la part des grands
partis . Elle était, en un sens, " réactivement " commune à notre
courant défenseur d'une écologie de liberté et au courant Waechterien
(écologie à base scientifique). Mais, on s'aperçut qu'en fait, elle
pouvait déboucher sur deux concepts très différents. Le "ni, ni"
originel est basé sur l'affirmation que, par rapport aux positions
qui sont celles de la Droite et de la Gauche, il y aurait systématiquement
des positions qui seraient celles des écologistes, qui n'appartiendraient
qu'à eux et qui ne seraient défendues que par eux : l'écologie
politique apparaîtrait ainsi comme un troisième clan fermé, opposé
aux deux premiers.
Dans
notre courant Ecologie et Liberté, basé sur la volonté de rester
dans une synthèse anti-économiciste (donc contre la synthèse de
la Pensée Unique), une synthèse de ce qui pourrait être le meilleur
de la tradition de droite, le meilleur de la tradition de gauche
et le meilleur de la tradition écologiste (la défense des aspects
qualitatifs et le respect de la vie),on refuse le critère d'appartenance
à un clan de droite ou de gauche, pour choisir les projets, les
éléments de programme ou les alliances.
Mais, conformément à une certaine démarche associative qui consiste
à vouloir rassembler le plus largement possible sur ce qui semble
important, qui consiste donc à vouloir travailler, s'associer avec
tous ceux qui se déclarent d'accord sur cet essentiel, cette stratégie,
basée sur la volonté de faire avancer tout de suite nos positions,
aboutit dans les faits à s'allier tantôt avec des groupes ou des
individus de Droite, tantôt avec des groupes ou des individus de
Gauche, dans la mesure où ils acceptent notre démarche, et où ils
sont respectueux des autres. C'est la stratégie du " et, et ".
Ce qui est la différence avec la démarche associative, c'est que
ce "et, et" va être appliqué en fonction des niveaux de décision
et de compétence et en fonction d'une analyse relativement précise
des phénomènes moteurs et non moteurs dans les différents niveaux
où se prennent les décisions. Ainsi, on maintient le principe selon
lequel, on veut faire avancer tout ce qui est possible avec tous
ceux qui sont d'accord à condition que cela se fasse sur la base
d'un accord sur l'orientation fondamentale, dans le niveau de compétence
considéré. Ainsi, une alliance permanente avec d'autres organisations
politiques ne peut se faire au niveau national que si ces organisations
politiques partagent avec nous l'objectif d'inverser les trois ou
quatre grandes évolutions motrices qui déterminent au niveau national
les autres aspects de la vie quotidienne : les processus de mondialisation,
de concentration spatiale, de montée du niveau de décision, de mobilité
obligatoire.
Le
mythe de l'unité des écologistes
Il
est fondé sur l'idée selon laquelle les positions d'un mouvement
politique, les positions d'une organisation politique pourraient
et devraient être déduites purement et simplement des évidences
universelles, objectives que nous enseigne l'Ecologie.
Cela, à la fois fait peur, et témoigne d'une ignorance, d'une absence
grave de culture politique. Cela fait peur, car on assiste à la
confusion entre les différentes sources d'autorité : la morale,
la science devraient être exprimées à travers le pouvoir civil !
Il s'agit-là, bien que ce ne soit pas l'objectif, de tendances totalitaires.
Qui pourrait aller contre les exigences de la valeur suprême qui
est la vie ? Qui pourrait aller contre ceux qui ont le pouvoir parce
qu'ils sont reconnus comme les plus compétents pour défendre notre
planète et la vie de tous ? Il est significatif que les tenants
du courant d'Ecologie Politique à base scientifique (courant Waechter)
aient mis en avant le slogan " la société sera écologique ou ne
sera pas ".
Par ailleurs, un de leurs objectifs était non pas d'écouter les
citoyens, mais de les " éduquer ". Le lien entre le catastrophisme
et les dangers du totalitarisme est très fort. Toutes les sectes
jouent sur ce ressort. Le mythe de l'unité des écologistes et le
catastrophisme dont il se réclame est donc, contrairement aux apparences,
une réaction de secte, une réaction potentiellement totalitaire
à laquelle il faut faire attention.
Il
est aussi symptomatique de voir l'absence, dans leur problématique,
des conflits de valeurs. L'écologie nous montre les conditions de
la reproduction d'êtres vivants sans cesse en conflits. Ces conflits
des êtres vivants n'impliquent jamais, ni que l'un de ces êtres
vivants soit mauvais, ni que l'une des espèces en conflit soit mauvaise
et doive de ce fait être supprimée. L'écologie nous rappelle donc
que le conflit de ces valeurs que sont les êtres vivants ne peut
que rarement être interprété comme un conflit entre ce qui est bon
et ce qui est mauvais. Elle tend donc, à nous faire sortir de la
mentalité simpliste que nous appelons dramatique ou manichéenne,
et qui consiste à chercher, dès qu'il y a conflit entre deux choses,
laquelle est bonne et laquelle est la mauvaise ; laquelle doit gagner
sur l'autre et laquelle doit être éliminée . Et pourtant, il est
curieux de constater la persistance de cette mentalité chez ceux
qui se réclament de l'écologie scientifique.
Pour
voir à l'œuvre toutes ces tendances, partons de quelques dates :
Printemps
74 - Candidature de René DUMONT qui a le mérite de faire apparaître
pour la première fois sur la scène politique des préoccupations
écologiques. Au cours de cette campagne des comités de soutien se
sont formés qui vont avoir le désir de continuer la lutte. Comment
se structurer pour créer une Ecologie Politique Indépendante ?
Juin
74 - Première tentative, au grand rassemblement de Montargis. Très
vite on s'aperçoit que cette nouvelle mouvance qui cherche à se
définir n'y arrive pas du fait de son hétérogénéité. Elle comprend
en effet, des associatifs, des anarchistes, des gens de l'hebdomadaire
post soixante-huitard "La Gueule Ouverte" qui chacun, pour des raisons
différentes, vont faire barrage à toute réflexion politique proposée
par ceux qui croient en la nécessité d'une Ecologie Politique Autonome.
Rien ne sort de ce premier rendez-vous.
Octobre
74 - Enfin un groupe de militants réussit à s'entendre à Issy-les-Moulineaux,
pour former le Mouvement Ecologique. Se retrouvent là, parmi
d'autres représentants des comités de soutien à René Dumont, des
gens comme Antoine Waechter ( côté écologie politique à base
scientifique) et les Alsaciens, Brice Lalonde et les Amis
de la Terre, (réseau de facto d'associations), le Languedocien
François Degans, fervent adepte de l'autonomie politique, etc...L'unité
factice ne va pas durer longtemps.
En
1975 - Aux Assises de Lille, le Mouvement Ecologique remporte un
premier succès puisqu'un texte donnant les fondements d'une écologie
politique est adopté et qui jette les bases d'une analyse nouvelle
des réalités économiques et sociales mettant en évidence un concept
nouveau: le Productivisme. Mais déjà Brice Lalonde et les
Amis de la Terre tentent de faire barrage, ils échouent et quittent
le mouvement.
En
1977 - Création du Réseau des Amis de la Terre (RAT) autour de Brice
Lalonde. Le Mouvement Ecologique se lance dans la bataille des municipales
et remporte des succès électoraux non négligeables pour une aussi
jeune formation. En octobre, ces premiers succès donnent au ME envie
de continuer aux législatives. Pour se donner plus de poids, il
recherche des alliances plus larges, et c'est là que les rivalités
réapparaissent. Une structure provisoire est créée, elle s'appelle
Ecologie 78, mais, elle disparaîtra en Mars 78. Une autre apparaît
peu après: la Confédération Interrégionale des Mouvements Ecologiques,
la CIME, lancée par les Alsaciens. C'est la période des institutions
dites "biodégradables" !
En
1979 - Même scénario pour les élections européennes. Une structure
parallèle est créée, Europe Ecologie. Mais les tensions sont telles,
le discours tellement sirupeux, règne du n'importe quoi et des vœux
pieux, que les candidats du ME se retirent au dernier moment.
L'émergence
historique de l'Ecologie Politique et Indépendante : la création
du MEP
Mais,
petit à petit, montait la conscience que les erreurs radicales des
mouvements politiques traditionnels exigeaient de créer une organisation
politique capable d'affirmer les nouvelles orientations, capable
à terme, de rivaliser opérationnellement avec les vieux partis.
Cela ne pouvait se faire évidemment sans heurter de front tous ceux
qui continuaient à se méfier de toute organisation politique structurée.
Cela se manifestait particulièrement dans les articles de "La Gueule
Ouverte" et chez un nombre important de groupes d'Amis de la Terre
et enfin chez ceux qu'on appela d'un mot particulièrement significatif
"les inorganisés". Malgré ce, cette volonté de faire apparaître
un véritable mouvement d'Ecologie Politique se révéla à travers
des décisions du Mouvement Ecologique qui décida d'abord de réformer
ses structures en ce sens. Conscients que cette réorganisation interne
ne pouvait pas suffire, les dirigeants du ME , avec François Degans,
lancèrent peut-être avec une certaine ironie, un appel, le 18 Juin
1979. On y trouvait les éléments essentiels du futur mouvement d'Ecologie
Politique : la base théorique, en rupture avec celle des mouvements
existants, un type d'organisation suffisamment structuré donc capable
de rivaliser avec les autres partis. Après une conférence de presse
qui attira de nombreux journalistes, cet appel fut entendu largement
par un certain nombre de militants.
Parallèlement,
cela conduisit les dirigeants du Mouvement Ecologique, pendant l'été,
à préparer minutieusement la création d'un nouveau mouvement sur
ces bases, nouveau mouvement destiné à prendre une succession permanente
de tout ce qui était apparu jusqu'alors: Mouvement Ecologique, Ecologie
78, CIM, Europe Ecologie. Mais, avait été parallèlement lancée une
initiative relevant plutôt de la mythique idéologie de l'unité des
écologistes et de cette culture anti-organisationnelle . Il s'agissait
en fait d'en revenir à ce qui avait déjà échoué, les Assises de
Montargis de Juin 1974. Toute la gamme des écologistes ayant une
quelconque intervention dans le champ politique y était invitée.
Ce furent les Assises de Dijon en Octobre 1979.
Inutile de dire à quel point dans un tel climat et un tel milieu,
le projet de créer un mouvement d'écologie politique sur
des bases théoriques autonomes et avec une organisation politique
fortement structurée fut mal reçu. C'est pourtant au cours de cette
réunion des Assises de Dijon que fut annoncée, en dépit de l'hostilité
ambiante, la création du Mouvement d'Ecologie Politique. Il avait
l'avantage de réunir enfin les deux courants qui croyaient en la
nécessité d'un Ecologie Politique Autonome et de laisser de côté
une grande partie de ceux qui n'y croyaient pas.
On
peut dire que l'histoire de ce mouvement fut assez rapidement l'histoire
des conflits pouvant exister entre les deux courants qui le composaient.
Mais, que par ailleurs, sur le plan organisationnel, il imposa,
par sa présence, l'évidence de la nécessité du type d'organisation
qu'il mit en place. Toutes les solutions au nécessaire compromis
entre une forte démocratie de base et une grande clarté et lisibilité
pour l'extérieur furent posées dans ce cadre. L'organisation même
des Verts actuels n'en est qu'un certain prolongement. Malgré ce,
il fut de plus en plus évident que la cohabitation entre des gens
qui croyaient en la démocratie et en un minimum de courtoisie et
d'autres qui, au nom de leur pureté, de leur conception absolue
de l'Ecologie faisaient, en fait, réapparaître l'ancienneté de leur
pratique acquise dans des groupes staliniens, n'était pas possible.
Pot de fer contre pot de terre, les démocrates pots de terre cédèrent
le terrain. La cohabitation entre une écologie de liberté et démocratique
et une écologie moraliste et à base scientifique n'avait eu qu'un
temps. Fin Avril 1982, Catherine Bonnel, présidente du MEP, démissionna
devant les offensives répétées d'un clan, mélangeant en un groupe
pas toujours cohérent, Antoine Waechter, des associatifs pseudo
apolitiques et toute une camarilla d'anciens membres du PCF. A sa
suite, petit à petit, tous les défenseurs d'une conception d'écologie
de liberté, d'une écologie culturelle, non moralisatrice, de la
diversité, démissionnèrent eux aussi. Leur tendance devint minoritaire.
Quelques mois plus tard, en Octobre 1982, le clan Waechter, Brière,
Fisher, écologie dure et moralisatrice, prenait le pouvoir sous
le slogan significatif : "la société sera écologique ou ne sera
pas". Cela avait au moins un avantage, celui d'amener à une certaine
clarification, de montrer les incompatibilités entre deux conceptions
opposées de l'Ecologie Politique. Malheureusement peut être, cette
séparation ne dura pas. Le besoin d'une unité factice reprit le
dessus et, en fait, aboutit à faire perdre au moins une dizaine
d'années, si ce n'est une vingtaine, à la réapparition d'un projet
clair d'Ecologie Politique Autonome.
Cependant,
cette rupture avait eu, pendant au moins un an et demi, jusqu'en
1984 où la réunification eut lieu, l'intérêt de supprimer les faux
clivages et au contraire de faire apparaître que les deux grands
groupes qui étaient face à face au MEP, représentaient réellement
deux visions différentes de l'avenir de la société et de l'écologie
politique.
La
politisation et la structuration des divers mouvements au début
des années 80
Parmi
les nombreux groupes écologistes qui s'étaient développés, un peu
partout en France, depuis une dizaine d'années et, en particulier,
parmi un certain nombre de groupes de base des Amis de la Terre,
était apparue petit à petit, une pensée analogue à celle qui s'était
développée au sein de notre courant du Mouvement d'Ecologie Politique.
La politisation et le développement de la structure politique progressive
de ces groupes s'était faite à travers la constitution de groupes
régionaux comme la Fédération des Ecologistes du Midi, puis par
la naissance de la Confédération Ecologiste. Un temps, les a priori
anti-organisationnels, légèrement libertaires de ces groupes l'emportèrent
et ils avaient tendance à se considérer comme étant en rivalité
directe avec les représentants du MEP. Cependant des contraintes
liées à la nécessité de se restaurer et de trouver de locaux amenèrent
les membres du bureau de la Confédération à venir manger et à se
réunir dans les locaux d'un des groupes principaux d'Ecologie Politique,
le groupe de Montpellier. La rivalité se transforma vite en camaraderie.
Il n'est pas étonnant alors, qu'à une de ses premières réunions
nationales, la Confédération invita pendant l'été 1982, certains
membres du MEP de notre courant à venir participer à leur choix
d'un manifeste d'Ecologie Politique à Uzerche. Ce premier pas fut
rapidement dépassé par la reconnaissance explicite d'un accord théorique
entre nos organisations, puisque le projet de manifeste rédigé par
François Degans, inspirateur de notre courant fut adopté comme manifeste
par l'assemblée de la Confédération.
Dès
lors, il ne fut pas étonnant qu'un processus d'unification, autour
de cette conception de l'Ecologie ait lieu. C'est ainsi que se constitua
avec d'anciens groupes des Amis de la Terre, avec les membres de
la Confédération Ecologique, avec le premier courant d'Ecologie
Politique, le premier groupe intitulé les Verts-Confédération Ecologique
appelé parfois, à cause du lieu où s'opéra la fusion, Les Verts-Besançon,
en Mars 83.
Dans l'été de la même année, les journées de réflexion du nouveau
mouvement manifestèrent la profonde unité qui enfin existait entre
ses membres. C'était trop beau ! Les élections européennes apparaissant
à l'horizon, la peur de ne pouvoir faire face financièrement et
le retour du mythe de l'unité pousseront à rechercher de nouveau
l'unité avec les autres organisations.
Du
côté de ce qui avait été le MEP, une mutation avait eu lieu. Celui-ci
s'était transformé en Parti Ecologique, puis, rapidement avait,
lui aussi, récupéré le sigle Les Verts, était devenu Les Verts-Parti
Ecologique et était donc devenu le rival des Verts-Besançon.
Ainsi, pendant quelque temps, les deux conceptions opposées de l'Ecologie
Politique que nous avons présentées au début se sont incarnées dans
deux mouvements différents, intitulés tous les deux, Les Verts.
Parallèlement
à cette évolution du MEP, où en étaient les autres courants ?
Depuis 1979, deux autres pôles pouvaient être distingués qui devinrent
bientôt trois : les " inorganisés " et les Amis de la Terre. Au
cours des Assises de Dijon, où s'était créé le MEP, comme nous l'avons
déjà dit, le rôle de certains ténors, comme Isabelle Cabut, avait
conduit à ce qu'apparaisse un groupe dont nous avons parlé plus
haut et qui s'était baptisé de lui-même les "inorganisés". Ce pôle
se transforma très vite ; il se transforma d'autant plus vite qu'il
existait un peu par opposition au MEP. Dans cette opposition, on
pouvait déceler deux origines :
- celle des post soixante-huitards qui ne supportaient pas vraiment
l'idée d'un mouvement d'Ecologie Politique, avec une réflexion,
une ligne politique et une structure organisationnelle suffisante.
- l'opposition de ceux qui en avaient plutôt contre la tendance
dure du MEP et l'image que cela pouvait donner d'une écologie politique
structurée. Ils réagirent bientôt, en s'organisant eux-mêmes. Leur
implantation dominait plutôt dans l'ouest de la France et certains
provenaient du groupe des Amis de la Terre. Cela aboutit à la formation
par exemple de la Fédération des Ecologistes du Midi, puis apparut
la Confédération Ecologiste.
L'autre
grand pôle était le Réseau des Amis de la Terre (RAT) dominé
par la personne de Brice Lalonde. Celui-ci, malgré son caractère
essentiellement fluctuant, désireux de réussir, avait eu au moins
le mérite grâce au fait qu'il habitait Paris, de réunir de nombreuses
personnalités de talent. Certains étaient déjà connus et jouaient
le rôle de maîtres à penser, comme Touraine, Serge Moscovici, esprit
plus original ; d'autres comme Karsenty, Bidou, Radanne etc... peuplèrent
plus tard les cabinets ministériels.
Il est impossible d'attribuer une pensée politique au RAT. La pensée
politique qui y régnait, était en effet un mélange incessant des
exigences politiciennes de Brice Lalonde et du conglomérat des influences
des intellectuels cités plus haut qui avaient déjà profondément
influencé les Amis de la Terre de Paris. Le rôle des Parisiens,
à l'opposé des autres réseaux écologistes y était déterminant. Et
de ce fait, les chroniqueurs, les historiens leur donnèrent parfois
une place disproportionnée par rapport à ce qu'ils étaient vraiment.
La
réalisation du " rêve " : l'unité des écologistes en Janvier 1984
Cette
fusion fut marquée par la volonté de faire coexister les deux conceptions
de l'écologie qui s'étaient concrétisées dans les Verts-Parti et
dans les Verts-Confédération. Pendant un an, tous les représentants
des instances décisionnelles de la nouvelle organisation furent
tout simplement doublés : l'un provenant des Verts-Parti, l'autre
des Verts-Confédération. Cette fusion, basée donc sur une volonté
simple d'addition, sans un véritable effort d'explication et de
débat, handicapera pour longtemps la nouvelle organisation.
Un
certain nombre de débats, particulièrement délicats, parce que les
positions étaient trop ouvertement antagoniques furent gelés. La
fusion eut, au moins, le mérite de permettre aux écologistes d'être
présents aux élections européennes de 1984. Or, ce sursaut de dernier
moment, ne leur permit quand même pas d'obtenir des élus.
Deux
ans après, en 1986, les Verts n'étaient pas vraiment sortis de leur
création au forceps, on ne peut pas dire non plus que les élections
régionales, auxquelles ils se présentèrent presque partout furent
un grand succès non plus.
Au
niveau interne, le fonctionnement, les débats inhérents à un mouvement
démocratique commençaient à apparaître et, au moment de l'AG annuelle,
des motions commençaient à cristalliser ces débats et à organiser
les courants.
1985-1986.
Le clivage antérieur entre les Verts-Parti et les Verts-Confédération
a pu sembler réapparaître, puisque parmi les motions, on pouvait
en observer une, signée par Yves Cochet et François Degans, qui
avaient fait partie des Verts-Parti, et de l'autre, une motion signée
par Antoine Waechter, entre autres, qui était un des leaders de
l'ancien Verts-Parti.
Mais,
dès 1986, Yves Cochet brisa cet ancien clivage et contribua par
une position nouvelle à faire réapparaître au sein des Verts, le
clivage existant entre ceux qui ne croyaient pas à l'Ecologie Politique
parce qu'ils voulaient simplement " écologiser " la Gauche, et ceux
qui croyaient à la nécessité d'une Ecologie Politique autonome et
indépendante.
Indirectement, cela amena aussi à ce que l'on puisse croire à un
clivage Droite- Gauche au sein des écologistes. Peut-être était-ce,
d'ailleurs, un des buts de la manœuvre. Cet événement va, en fait
marquer la suite de l'histoire des Verts jusqu'à maintenant. Elle
aboutit à donner dans le débat interne aux Verts, la priorité absolue
au débat sur la stratégie par rapport au débat sur la conception
de la société. Ainsi, l'alliance entre notre courant, que nous appellerons
" Ecologie de Liberté " et le courant Waechter, était un accord
essentiellement basé sur la stratégie, alors que demeuraient des
divergences importantes sur la conception de la société. Il faudra
attendre l'éclatement des Verts, entre 1993 et 1994, pour que ces
divergences soient remises au premier plan.
Très
souvent, dans de nombreux ouvrages sur le sujet, on suggère qu'au
sein des Verts qui viennent de se créer, la période 84-86 aurait
été marquée par la tendance favorable à une ouverture, qu'une stratégie
de gauche aurait été dominante. Et l'on présente la motion de Waechter
" L'écologie n'est pas à marier " comme une rupture par rapport
à cette période de 84-86. Or, il y a une confusion entre le fait
d'être prêt à travailler avec tous les groupes qui en sont d'accord,
sans avoir d'à priori politique (démarche qui sera la nôtre sous
la forme du " et, et " ou du " tantôt, tantôt " opposée à celle
du " ni, ni "), quand cette ouverture est sur la base de la stratégie
d'indépendance anti-productiviste et non pas anti-capitaliste, et,
d'autre part le fait de s'ouvrir en abandonnant cette stratégie.
Notre interprétation est différente : si pendant deux ans, le groupe
dominant chez les Verts (Cochet, Brière, Marimot..) a pu être majoritaire,
c'est parce qu'il pratiquait sans cesse cette confusion, et qu'il
ne disait jamais clairement qu'il abandonnait notre indépendance
vis-à-vis des clans. L'ouverture était présentée implicitement comme
étant l'ouverture sur la base de nos analyses. On peut penser que
chez certains, c'était déjà une forme d'hypocrisie, chez d'autres,
de l'inconscience. Mais, l'expérience du Languedoc-Roussillon montre
bien l'ambiguïté de cette période, puisque ceux qui actuellement
animent notre courant d'indépendance ont été les premiers à pratiquer
une politique d'ouverture au moment des élections régionales de
1986, ont participé à des rassemblements qui pouvaient intégrer
des membres de l'extrême gauche (maoïstes), mais à condition que
le langage, l'analyse, les thèmes soient strictement ceux de l'Ecologie
Politique Indépendante. Avec tout le monde, mais sur nos propres
bases !
Mais,
provisoirement, cette alliance permit à Antoine Waechter de s'imposer
comme candidat des Verts aux élections présidentielles. A cette
occasion, il fut conduit à faire un certain nombre de concessions
pour présenter un programme plus respectueux des tendances au sein
des Verts. Le score non négligeable qu'il obtint aux élections présidentielles
de 1988, apparaît comme la première percée notable de l'Ecologie
Politique sur le plan national. La domination de l'alliance entre
les deux défenseurs de l'Ecologie Politique atteignit son apogée
et sa limite aux journées d'été et à l'Assemblée Générale de Marseille
(Octobre 1989). Elle s'y manifesta, entre autres choses, par le
vote aux deux tiers, d'une motion sur le refus de désistement au
deuxième tour dans tous les cas de figure.
Pourtant,
parallèlement, les évènements modifiaient progressivement la donne.
Après les désillusions des adhérents des groupes d'extrême gauche,
la succession rapide de nouveaux groupuscules, après l'échec opéré
par les appareils de ces groupuscules pour créer " Arc en Ciel ",
un vaste regroupement de cette extrême gauche, la conclusion montait
un peu partout parmi eux, il faut se reconvertir dans un mouvement
nouveau et qui colle aux aspirations des masses, l'Ecologie !
A cette
évolution de l'Extrême Gauche, le pouvoir de Gauche, lui aussi,
commençait à prendre conscience du danger de la montée d'une force
qui lui échappait. Convergence spontanée ou complot ? Il serait
bien difficile de conclure avec certitude. Il n'en reste pas moins
qu'en l'espace de deux ans, le climat interne chez les Verts changea
rapidement. Malgré l'opposition apparente, les nouveaux venus, issus
de l'Extrême Gauche, et ceux, plus discrets qui se réclamaient de
la Gauche, la pression n'en était pas moins très forte. Peut-être
par goût de la négociation, Antoine Waechter commença-t-il à céder,
et l'on vit avec stupeur, les candidats proposés pour les élections
européennes, avec l'accord des waechtériens, être majoritairement
issus de ce qui avait été jusqu'alors la minorité. Or, grâce au
développement de la stratégie d'indépendance, l'écologie politique
était en train d'atteindre une certaine crédibilité dans l'opinion,
et le paradoxe fut que, c'est cette crédibilité acquise par une
certaine ligne stratégique qui permit aux tenants de l'autre ligne
stratégique de venir pondre ses œufs dans ce panier. Le succès de
la liste aux Européennes de 1989, obtenu grâce à la stratégie jusqu'alors
majoritaire, allait être, en même temps le début des victoires de
la ligne minoritaire, de ceux qui ne croyaient pas à l'Ecologie
Politique Indépendante ; il allait être inévitablement le point
de départ de la conquête par cette minorité, de l'appareil du parti,
grâce aux moyens financiers et logistiques que notre présence au
Parlement Européen allait leur permettre.
Donc, l'année 1989 a marqué le point de renversement. Mais, en ce
qui concerne l'évolution du débat interne des Verts, il faut noter
que cette année 1989 fut aussi l'année de la réapparition plus claire,
c'est-à-dire de façon autonome, du courant " Ecologie de Liberté
", à travers une motion débattue aux journées d'été de Sofia Antipolis,
et dont les éléments furent discutés et votés à l'assemblée générale
de Marseille, motion intitulée " Fil Vert ", nom qui allait devenir
institutionnellement le nom de notre courant pendant les années
89-90-91. Faut-il noter, pour la petite histoire, que cette année
1989, Alain Lipietz, économiste de renom (qui fut plus tard l'inspirateur
et le plus grand soutien de Dominique Voynet) entra chez les Verts
en signant cette motion " Fil Vert " de François Degans.
|