Mondialisme,
Européanisme, Souverainisme, Régionalisme.
La planète actuelle française, et les politiques, quand ils sont
dégagés des soucis d'argent, dissertent autour de ces notions. Souvent
avec brutalité, dans un langage de guerre civile, l'objectif étant
de débusquer l'ennemi et l'exécuter au nom de l'ordre et de la morale.
Bernard-Henri Lévy dit que les souverainistes sont des pétainistes
et des maurrassiens, Jean Pierre Chevènement assure que régionalistes
et mafieux sortent du même tonneau et même Philippe Sollers, découvrant
que Napoléon 1er n'aimait pas la France, le fusille…dans un quotidien
du soir.
Chaque fois, ou presque, on nous assène une idée juste contre une
idée fausse, une idée d'avenir contre une idée révolue. Chaque fois,
ou presque, on invite le citoyen, le lecteur de gazettes à se ranger
dans un camp et à se lancer à l'assaut de la citadelle adverse.
Et pourtant, des auteurs grecs à Miguel de Unamuno, on sait depuis
longtemps que les décisions des hommes sont rarement des choix simples
entre le bien et le mal, mais souvent un choix terrible entre deux
biens, entre deux avantages pour la société.
Un groupe de femmes et d'hommes, qui depuis longtemps et ensemble
réfléchissent et tentent d'agir politiquement, voudraient ici exprimer
une position, qui est originale et qui a le plus grand mal à se
faire connaître. Notre conviction n'est aujourd'hui portée par aucune
famille intellectuelle et politique labellisée dans la France de
2000.
Ecologie, nature et société
D'abord, nous sommes des écologistes. Des écologistes pour lesquels
l'homme est central dans leur vision du monde. Héritiers de la tradition
judéo-chrétienne, nous pensons que chaque homme est un être unique
et incomparable, et que cette valeur unique et incomparable est
une valeur universelle. Et que cette valeur fonde les Droits de
l'Homme.
L'homme vit dans un univers " naturel ", qui n'est pas un simple
produit à exploiter. Cette nature a sa beauté, sa grandeur, ses
fragilités, ses limites, parfois bien connues, parfois à découvrir
et à traiter avec prudence.
L'homme vit dans un univers social qui n'est pas un simple phénomène
à disséquer dans les universités, les cafés, les journaux. Cet univers
est indétachable de la substance même de l'homme ; il colle à l'esprit
de chacun d'entre-nous. Habitants de la terre, nous le sommes aussi
de notre cité. Fabriqués par nos cultures nationales, nous recherchons
de plus en plus des repères régionaux, à travers les paysages, les
connivences quotidiennes, les langues populaires… Autour de cette
géographie de la politique, un faux débat fait rage. Le Tribunal
de la presse nous somme de choisir. Il y aurait des mariages obligés
et des mariages interdits. Si vous êtes pour l'Europe, vous êtes
pour la mondialisation. Si vous êtes souverainistes, vous ne pouvez
être régionalistes.
Autonomie ou puissance
Pour mesurer tout cela, il n'y a, à notre avis, qu'un étalon, celui
de la démocratie. Dans cette question de la démocratie, nous entrons
selon trois principes.
Le premier est la primauté du politique sur l'économique. L'homo
economicus n'existe que dans des visions naïves ou intéressées.
L'homme en société pense, rêve, agit de mille manières qui ne peuvent
se réduire à la production et à la consommation.
Le second principe est la primauté de l'autonomie sur la puissance.
Ce choix de l'autonomie est une lecture stricto sensu, du
principe de subsidiarité : " une compétence peut être transférée
à l'échelon supérieur seulement si elle ne peut pas être exercée
à l'échelon inférieur " . ce que la Commune peut accompli ne peut
être transféré à la Région, ce que la Région peut accomplir ne peut
être transféré à l'Etat, ce que l'Etat peut accomplir ne peut être
transféré à l'Union Européenne…
Le troisième principe est celui de la légitimité de l'autorité qui
détient le " monopole de la violence légitime ". Il nous paraît
évident que dans l'esprit public européen et français d'aujourd'hui,
c'est fondamentalement l'Etat Nation qui dispose de cette légitimité.
Reconnaissons cet état de fait, respectons le.
Alors, où nous situons-nous ?
Nous constatons que les mondialistes, mes maästrichiens et les nationalistes
jacobins, ensemble, privilégient le fait que les décisions viennent
d'en haut, c'est-à-dire la montée du niveau de décision. Ils préfèrent
l'efficacité et l'unité, au respect des particularités, et la diversité,
ils préfèrent les gains de puissance aux gains d'autonomie.
Nous sommes pour l'Europe politique, celle des pères fondateurs
qui poursuivaient deux buts la paix entre Etats européens, après
deux désastres en 30 ans ; la place de l'Union Européenne dans le
reste de l'Europe et dans le reste du monde. L'objectif interne
est heureusement atteint, mais demande une gestion légère et subtile
des relations intra-européennes, qui n'a rien à voir avec l'encadrement
pointilleux de la vie quotidienne, que nous subissons aujourd'hui.
Pourrions-nous cesser de démoraliser le opinions publiques nationales
(est-il indispensable d'exaspérer les chasseurs de France, jusqu'à
les pousser à des attitudes poujadistes ?).
Consacrons-nous
à la tâche fondamentale : renforcer la position de l'Europe dans
le monde. Aujourd'hui, en économie, la plupart des mesures structurelles
européennes sont des adaptations à la grande fête libre-échangiste
mondialiste, qui renforce les forts et affaiblit les faibles. Aujourd'hui,
en politique, de la Tchétchénie au Kososvo, en passant par l'Afrique,
l'Europe maästrichienne a décidé que c'est aux Etats-Unis de décider
ce que l'Europe doit faire.
Souverainisme et diversité
Nous sommes souverainistes. Le fondement de la souveraineté se trouve
dans la volonté qu'ont les individus et les collectivités de se
regrouper pour préserver leur liberté et leurs particularités, et
pour les protéger des menaces uniformisatrices ou oppressives venant
de l'étranger. Notre souverainisme est donc un mouvement qui défend
ce qui vient d'en bas (qui vient du sentiment public), qui se fait
au nom de la valeur et de la défense de la diversité, qui se fait
à partir d'objectifs universalisables (qui va, bien entendu, jusqu'au
droit à la sécession, à l'indépendance, chaque groupe choisissant
son avenir).
Nous
sommes régionalistes ; nous souhaitons en France, un puissant mouvement
régionaliste et décentralisateur, qui n'est en rien contradictoire
avec un Etat reconnu et efficace. Nous regardons nos voisins. Depuis
cinq cents ans, avec des difficultés bien plus considérables que
celle que la France a connues, la Suisse s'est construite sur le
respect de la diversité et de l'autonomie des Etats qui la composent
; elle existe encore et s'en porte bien ! Malgré les pressions centralisatrices
et uniformisatrices de la Prusse bismarkienne, l'Allemagne a mis
en place une organisation beaucoup moins centralisée que celle de
la France. Il en est de même de l'Italie, et de l'Espagne. Chacun
de ces pays a compris que l'existence de la souveraineté nationale
était le meilleur moyen de défendre sa diversité. Et, réciproquement,
les collectivités " régionales ont compris aussi que cette souveraineté
nationale était un moindre mal, qu'elle était le meilleur moyen
pour développer leur identité contre d'autres forces uniformisatrices
(comme l'a symbolisé la Fête de la Fédération, en France à l'époque
révolutionnaire).
C'est ce que nous voulons pour la France, sur la même base démocratique.
Bien sûr, nous refusons radicalement les projets de Jean-Louis Guigou,
Délégué à L'Aménagement du Territoire, qui rêve à haute voix de
détruire la laborieuse création des espaces régionaux démocratiques,
pour créer une France découpée en six régions qui dit-il serait
la bonne France, puisque c'est celle de France-Télécom, d'Ikéa et
de Saint-Gobain.
Ecologistes
indépendants, nous sommes. Souverainistes et régionalistes nous
sommes. Sur cette ligne nous nous retrouvons, hélas peu nombreux.
Nous sommes désireux de dialoguer et d'essayer de convaincre, dans
un débat qui deviendrait enfin démocratique, quittant cette petite
guerre civile en dentelles, délice bien français et bien ridicule
vu de loin.
François
DEGANS
Président
de la Confédération
des Ecologistes Indépendants Politique
|
Laurent
PRADALIE
Président
du Club
Ecologie et Liberté
|
Souverainisme
et nationalisme
Que signifie pour nous, l'accord avec une alliance pour le souverainisme
?
Disons d'abord une chose: pour nous, si on emploie ce mot, c'est
pour se démarquer d'un autre mot, celui de "nationalisme" lequel
évoque lui aussi la défense de la valeur de la souveraineté des
peuples et des nations, mais peut faire appel à des conceptions
que nous ne partageons pas.
1- L'origine du terme: le Québec.
L'origine du terme, c'est la révolte du peuple francophone québécois
contre l'Etat fédéral canadien.
Parler de souverainisme à partir de là, c'est donc affirmer la légitimité
de la volonté de tout groupe, de tout peuple affirmant son identité,
de se voir reconnaître le droit à être consulté pour pouvoir disposer
s'il le désire du statut d'Etat souverain.
2- Parler de souverainisme, c'est défendre l'idée que c'est aux
peuples, aux nations, que doit s'attribuer la souveraineté et non
aux Etats, comme l'Etat canadien. Cela signifie pour nous, que la
souveraineté appartient à la nation kosovar et non à l'Etat yougoslave,
multinational et oppresseur du peuple kosovar, que la souveraineté
appartient aux peuples kurdes et tchétchènes, et non, aux Etats
multinationaux irakiens, turcs, et non à l'Etat fédéral russe, etc...
3- Le souverainisme est un mouvement qui défend ce qui part d'en
bas, contre ce qui veut s'imposer d'en haut; qui a pour objectif
de faire converger ce qui vient d'en bas, lentement, plutôt que
de vouloir imposer les décisions, rapidement par le haut. Le mouvement
souverainiste est donc tout à fait lié avec le véritable principe
de subsidiarité, celui dont le principe général est que le maximum
de décisions soient prises aux niveaux les plus bas, c'est à dire,
aux niveaux les plus proches des citoyens, et que l'on ne fasse
remonter le niveau de prise de décision à la collectivité supérieure
que lorsque la collectivité de rang inférieur ne peut manifestement
pas la prendre en charge.
4-
C'est un mouvement qui se fait au nom de la valeur et de la défense
de la diversité, de la valeur et de la défense des identités collectives,
sans exception, celles-ci devant être elles-mêmes ordonnées aux
identités individuelles.
5- C'est donc un mouvement qui agit au nom de la valeur de ce
qui est unique, des choses, des relations et des êtres uniques,
de ce qui est incomparable. Même si l'identité culturelle
d'un peuple est d'un côté, un mélange de croyances à portée universelle,
avec, de l'autre, des façons d'être particulières et uniques, c'est
le caractère unique et donc incomparable du mélange qui caractérise
la spécificité de cette culture, de cette identité, et c'est ce
caractère unique, incomparable qui a une valeur universelle.
6- Si le souverainisme agit au nom de la valeur de la diversité,
de la valeur de ce qui est unique, c'est qu'il agit à partir de
la reconnaissance que chaque homme est un être unique et incomparable,
et que cette valeur unique et incomparable est une valeur universelle.
Et que, cette valeur fonde les Droits de l'Homme. Cela signifie
donc, que le souverainisme est fondé en valeur sur la valeur des
droits de l'homme, que l'Etat souverain est au service de chaque
citoyen, et qu'il ne peut y avoir de Raison d'Etat qui mette en
cause ces valeurs.
7-
A travers l'expérience du Québec, on voit encore que le souverainisme
est un mouvement dont l'objectif est de gagner, pour chaque peuple,
plus d'autonomie, à la fois politique et économique.
8- Par opposition, les connotations du terme "nationalisme" laissent
penser que l'un des objectifs des nationalistes est la puissance
de la nation considérée pour elle-même. Cette volonté de puissance
et de leadership n'est pas une voloté universalisable. Les nations
ne peuvent être toutes premières en même temps.
9-
A l'opposé, les objectifs du souverainismes sont universalisables.
En effet, les peuples peuvent gagner plus d'autonomie économique
et politique en même temps.
De même, les objectifs de développement de toutes les identités,
l'objectif de respect de la diversité, peuvent être réalisés simultanément
par toutes les collectivités. De même, le respect des autonomies
politiques et économiques, et à la limite de la souveraineté de
chaque nation, de chaque peuple, et de chaque groupe, respect qui
est inspiré par celui du caractère unique des peuples, des groupes
et des individus, est un principe universalisable. Et ce principe
universalisable, se traduit par un autre: le droit à la sécession,
à l'indépendance, consécutif au droit de chaque groupe à être consulté,
à choisir son avenir. Par contre, si un peuple prend de la puissance,
un pouvoir de commander, un pouvoir de mener les autres, c'est évidemment
au détriment des nations qui désireraient cette place mais ne l'ont
pas.
10- Souveraineté et sentiment d'appartenance.
Pour les mêmes raisons qui font que les gains d'autonomie politique
ou économique, les progrès dans le respect des identités, et de
la diversité, sont non seulement compatibles entre eux, mais se
renforcent les uns les autres, pour les mêmes raisons, la défense
et le respect des identités nationales sont profondément solidaires
de la défense et du respect des identités régionales. Ce qui relie
le souverainisme a cette défense des identités régionales et des
régions, et ce qui fonde le lien entre eux, c'est que, nous le constatons,
la véritable opposition, le grand combat dans le monde, est le combat,
entre, d'un côté, ceux qui ne reconnaissent pas de valeur aux liens
affectifs, sentimentaux qui nous attachent à des territoires, à
ses paysages, à sa mémoire, à ceux qui y vivent, à sa culture, c'est-à-dire
ceux qui agissent essentiellement à partir de calculs, à partir
de critères économiques prétendument rationnels, et, de l'autre,
ceux qui ont des sentiments, des liens affectifs, des attachements
avec leur quartier, leur hameau, leur ville, leur département, leur
région, leur nation et même avec les groupes confédérés de nations
qui peuvent exister. Les langues régionales font partie de cette
diversité de culture qui est la richesse de la France, et qui fonde
la valeur de sa souveraineté. Non seulement, la souverainisme n'est
pas en désaccord avec la Charte des Langues Régionales, mais il
est l'expression de cette idée que, face à la primauté des critères
économiques qui tendent à imposer dans le monde une seule langue,
l'anglais, il faut, malgré les difficultés, maintenir le maximum
de diversité.
Le combat, entre les attachements régionaux et les attachements
nationaux, est un combat du XIX° siècle qui, à l'époque fut la conséquence
du jacobinisme triomphant, et qui ne tient pas compte de l'urgence
du combat devenu prioritaire contre l'économisme, contre la mondialisation
du libre-échangisme. Les sentiments d'appartenance à un groupe se
nourrissent les uns les autres, si des nationalismes dégénérés ne
les font pas dévier.
Quiconque a besoin d'attachement à ses voisins, aux gens de son
quartier pour construire un sentiment d'appartenance à une région
et quiconque a besoin d'un sentiment d'appartenance à une région,
pour construire, enrichir et développer le sentiment d'appartenance
national.
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